Quand le psoriasis atteint les organes génitaux

Le psoriasis, dont les atteintes typiques des coudes et des genoux sont bien connues, peut aussi être localisé aux organes génitaux. Cette atteinte génitale est cependant très différente des localisations classiques du psoriasis, et ce sur plusieurs points :
  • risque de confusion avec d’autres maladies des organes génitaux comme les infections sexuellement transmissibles,
  • diagnostic parfois difficile car au niveau génital, les lésions diffèrent des habituelles plaques rouges recouvertes de squames,
  • la finesse de la peau génitale augmente la pénétration, et donc le risque d’effets secondaires des traitements locaux d’où la nécessité de choisir des traitements adaptés à cette localisation,
  • l’altération de la qualité de vie est plus importante en cas d‘atteinte génitale, notamment du fait d’un impact possible sur la sexualité,
  • le diagnostic est parfois méconnu du patient qui ne pense pas à relier les lésions génitales avec ses lésions cutanées de psoriasis, et qui omet ou ne souhaite pas, par pudeur, en parler à son dermatologue,
  • le diagnostic est parfois méconnu du dermatologue, qui ne réalise pas toujours un examen des organes génitaux.
Du fait de ces multiples particularités, le psoriasis génital mérite d’être individualisé, au même titre que le psoriasis des ongles ou celui du cuir chevelu.

Est-ce fréquent ?

Rarement, le psoriasis se limite à une atteinte de la zone génitale (verge, vulve), sans autre atteinte cutanée. Cette situation ne se rencontre que chez 2 à 5% des patients atteints de psoriasis. Le plus souvent, l’atteinte génitale est associée à une atteinte extra-génitale, pouvant concerner n’importe quelle zone du revêtement cutané. Ainsi, les études réalisées sur la base d’un questionnaire rempli par des patients atteints de psoriasis montre que 29 à 40% d’entre eux ont des lésions de psoriasis au niveau génital. La fréquence du psoriasis génital est encore plus importante (79%) chez les patients porteurs d’un psoriasis dit inversé (psoriasis touchant les plis axillaires, inguinaux ou inter-fessier ; par opposition au psoriasis habituel qui concerne plutôt les surfaces convexes comme les coudes et les genoux).
Sur l’ensemble des affections cutanées génitales, le psoriasis est responsable de 2-4% des lésions de la vulve et 3% des lésions du pénis.

Quels symptômes ?

Au niveau des organes génitaux, les lésions de psoriasis se traduisent par des plaques rouges aux limites nettes. Les squames blanches habituellement retrouvées sur les plaques du reste du corps sont souvent absentes au niveau génital, du fait de l’humidité locale de la peau.
Chez la femme, les lésions se situent sur la vulve. Chez l’homme, on peut les observer sur le gland, la peau du pénis et/ou le scrotum. A cette atteinte strictement génitale, s’associe souvent une atteinte des plis inguinaux et/ou inter-fessier (on parle dans ce cas de psoriasis ano-génital).
Les symptômes le plus souvent décrits sont des démangeaisons (ou prurit), des sensations de brulure, voire de douleur. Ces douleurs peuvent être spontanées s’il existe des fissures de la peau, ou être provoquées par le contact lors des rapports sexuels. Ces fissures peuvent en outre produire des sérosités ou de légers saignements qui tâchent les sous-vêtements. Le phénomène de Koebner correspond à une aggravation ou un entretien du psoriasis par un traumatisme ou des facteurs externes. Dans le cadre du psoriasis génital, ce phénomène correspond à une aggravation des lésions par l’irritation (urine, produits de toilette non adaptés), le port de vêtements serrés, les rapports sexuels ou le port des préservatifs.
Finalement, le diagnostic de psoriasis génital est le plus souvent aisé, notamment lorsqu’il existe des antécédents familiaux de psoriasis ou une atteinte extra-génitale (psoriasis localisé sur la peau en dehors des organes génitaux, sur le cuir chevelu ou sur les ongles ; rhumatisme psoriasique).
Dans les autres cas, il peut être le nécessaire de réaliser une biopsie cutanée des lésions génitales, afin d’analyser la peau au microscope. Cet examen permettra de poser de façon certaine un diagnostic de psoriasis., et d’écarter les nombreuses autres maladies dermatologiques responsables de lésions génitales. Il faut insister sur le fait que la biopsie des organes génitaux se fait sous anesthésie locale et n’est pas plus douloureuse, que n’importe quelle biopsie cutanée, et rassurer les patients souvent anxieux à l’idée de recourir à cet examen.

Comment traiter ?

Le traitement du psoriasis génital repose d’abord sur les traitements locaux (ou topiques). On préfèrera si possible utiliser des topiques sous forme de crème ou de lotion non alcoolique, les pommades pouvant favoriser une infection de la base des poils (ou folliculite), et les gels alcooliques pouvant conduire à une irritation de la peau et surtout des muqueuses.
Les traitements dits systémiques en comprimés (Soriatane, Ciclosporine, Méthotrexate) ou injectables (biothérapies) ne sont habituellement pas prescrits en cas d’atteinte génitale isolée. Ils sont cependant efficaces sur les lésions génitales lorsqu’ils sont administrés à des patients présentant un psoriasis sévère et étendu à tout le corps.
Le traitement local de première intention est représenté par les corticoïdes locaux (ou dermocorticoïdes) dont il existe 4 niveaux d’activité : dermocorticoïdes légers, moyens, forts et très forts. Le plus souvent, on débutera par un traitement d’attaque avec un dermocorticoïde modéré à fort appliqué quotidiennement, suivi d’un traitement d’entretien, soit avec un dermocorticoïde de même activité appliqué 1 à 2 fois par semaine, soit avec un corticoïde d’activité plus faible appliqué quotidiennement.
Les dérivés de la vitamine D sont utilisés soit d’emblée en association avec les corticoïdes, soit en seconde intention en cas d’échec de ces derniers. Ils peuvent être responsables d’une irritation locale limitant leur usage, quoique nettement diminuée par l’emploi concomitante d’un corticoïde. Parmi les 3 dérivés de la vitamine D actuellement sur le marché (calcipotriol, calcitriol et tacalcitol), le calcitriol ou Silkis® est le mieux toléré au niveau des organes génitaux.
Le tazarotène en gel (Zorac®), dérivé de la vitamine A, est déconseillé au niveau génital car souvent responsable d’une irritation intense.
La photothérapie (traitement par les ultra-violets, en cabine, sous contrôle médical) est contre-indiquée pour les lésions génitales, car elle pourrait favorisait le développement ultérieur de lésions génitales pré-cancéreuses ou cancéreuses. Ce risque justifie du reste, le port de sous-vêtements lors des séances de photothérapie.
Le tacrolimus en pommade (Protopic®) est parfois utilisé en cas d’échec des traitements conventionnels.
Il faut insister sur d’autres mesures à associer au traitement médicamenteux. Ainsi, il faut rechercher et traiter une surinfection éventuelle des lésions de psoriasis par des bactéries ou des champignons (mycose). Il convient aussi d’éviter les facteurs locaux irritants, comme les produits de toilette détergents (leur préférer des syndets ne contenant pas de savon), les sous-vêtements synthétiques qui retiennent la transpiration (opter pour le coton), le séchage trop agressif des plis (tamponner avec la serviette au lieu de frotter vigoureusement, voire sécher en utilisant un sèche-cheveux).

Quel impact sur la qualité de vie et la sexualité ?

La peau tient une place capitale dans la construction de l’image de soi, dans l’estime de soi, dans la vie affective, familiale et sociale, et enfin dans la sexualité. Cela explique l’impact sur la qualité de vie des maladies de peau chroniques comme le psoriasis. Ceci est encore plus vrai pour certaines localisations, comme le visage ou les organes génitaux.
A surface cutanée atteinte identique, il est admis que la qualité de vie est plus altérée en cas d’atteinte d’une zone visible par autrui ou fonctionnelle. Un psoriasis étendu à l’ensemble du dos peut être mieux vécu qu’une unique petite plaque située sur les organes génitaux.
L’enquête Europso, réalisée en 2005-2006 auprès de 18 000 patients atteints de psoriasis, révèle que la présence de lésions génitales entraine une baisse plus importante de la qualité de vie que l’atteinte des mains et des pieds par exemple.
Par ailleurs, 25 à 70% des patients psoriasiques décrivent un impact du psoriasis sur leur sexualité, le plus souvent sous la forme d’une baisse de la libido. Les patients ne déclarant pas toujours spontanément une atteinte génitale, par méconnaissance ou par pudeur, il est donc important que le dermatologue, tout en faisant preuve de tact et en respectant la pudeur de son patient, s’enquiert de l’existence d’une atteinte génitale et de son retentissement sur la sexualité.
En conclusion, il faut insister sur la nécessité pour les patients d’oser parler à leur dermatologue de leur psoriasis génital, car il s’agit d’une localisation particulièrement invalidante physiquement et psychiquement, et qui nécessite un traitement adapté.